Résumé. Dans le contexte de massification et de multiculturalisme qui caractérise actuellement l'enseignement secondaire français, la nécessité de dispenser une culture commune à donner en partage à tous les élèves se trouve mise sur le devant de la scène scolaire. Les dernières réformes en cours présentent cet objectif comme prioritaire. Ainsi les nouveaux programmes de 2006 réinstitutionnalisent la « culture humaniste », héritière de la culture scolaire originelle, et la confient aux disciplines littéraires, français et histoire, ainsi qu'aux disciplines artistiques. Cette restauration pose la question vive de l'appropriation chez les élèves de milieu populaire d'une telle forme de culture, d'ordre scripturaire, fondée sur la lecture de textes patrimoniaux, en particulier littéraires, mobilisant des ressources cognitives et culturelles de haut niveau. Comment leur donner accès à une littératie humaniste très éloignée de leurs pratiques socioculturelles de référence habituelles sans risquer d'accroître les écarts avec les élèves socialement plus favorisés, davantage familiarisés à cette forme culturelle ? Une recherche exploratoire est menée à partir d'un dispositif bidisciplinaire français-histoire expérimental, mis en oeuvre par des praticiens confirmés, dans trois classes d'établissements du secondaire de la banlieue parisienne accueillant des élèves d'origine modeste. L'analyse des productions écrites et orales des élèves montre que la pratique d'une littératie humaniste en contexte bidisciplinaire favorise chez eux l'entrée dans l'apprentissage de la culture humaniste scolaire, et, sur un mode certes très différencié, les conduit à mieux se l'approprier.Dans le contexte des sociétés contemporaines multiculturelles se pose de manière vive la question de la culture commune que l'école doit dispenser à la diversité des publics qu'elle accueille. Cette préoccupation occupe une place prédominante sur la scène de la politique éducative française actuelle, notamment depuis la loi d'orientation de 2005, qui réintroduit dans le curriculum officiel du premier cycle du secondaire la « culture humaniste ». Héritière historique des humanités classiques puis modernes, en déclin depuis les années 1960, cette forme culturelle scolaire permettrait de refonder une culture commune partagée, qui garantirait une plus grande égalité des chances, une meilleure intégration scolaire à tous les élèves, notamment ceux de milieu populaire. Sa dimension européenne, très affirmée, favoriserait en outre la construction du sentiment de cohésion nationale doublé de la conscience d'une appartenance à l'Europe.La culture humaniste a intrinsèquement et historiquement partie liée avec la « forme scolaire » [1] spécifique de l'enseignement secondaire, d'ordre scripturaire [2], ainsi qu'à la « culture scolaire » [3]. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.