La diffusion des questions de santé mentale au travail dans les organisations syndicales et les entreprises mobilise les registres scientifiques et les univers académiques et professionnels. L’enjeu d’une proximité renforcée avec les salariés et le terrain a nécessité un renouvellement des pratiques syndicales. Cette rupture est parfois explicitement recherchée, comme le montre l’Observatoire du stress et des mobilités forcées à France Télécom, qui illustre la volonté de produire une information crédible et des discours audibles dans d’autres univers sociaux. Occupant un double positionnement, syndical et scientifique, et contribuant à la promotion d’une expertise des risques psychosociaux, il atteste les collaborations entre chercheurs et militants, ce souci de proximité et les nouvelles pratiques syndicales. Son action et les résistances rencontrées montrent en même temps combien cette rupture expose les syndicats à des tensions entre deux dimensions centrales de l’activité syndicale : d’une part, entre action et compréhension des situations et, d’autre part, entre droit individuel et droit collectif. Ces tensions, les limites de l’expertise des risques psychosociaux et la publicisation ambiguë des questions de stress et de souffrance révèlent les difficultés persistantes à penser et à agir sur le travail.