Un problème récurrent rencontré par les formateurs d'enseignants dans le cadre des dispositifs d'analyse de pratique est celui de permettre à des enseignants débutants en formation d'apprendre de leurs premières expériences pratiques. Une préoccupation partagée par beaucoup de formateurs, est de ne pas enfermer ces enseignants dans une norme comportementale, et de les inviter à s'adapter aux besoins des élèves et aux contraintes contextuelles dans lesquelles ils se trouvent. Sur le terrain de l'analyse des pratiques, cela se traduit par le fait d'inviter ces jeunes enseignants à bien préparer leurs séances mais aussi à se dégager de ces préparations au moment de leur mise en oeuvre pour se rendre disponibles aux enjeux des échanges avec les élèves en situation. C'est ce point particulier que nous allons développer dans cet article, en nous situant dans le champ des interactions pédagogiques. Avant d'expliciter ce qui nous a conduite à parler de la notion d'organisateur dans une perspective interactionniste, nous allons, d'une part, définir ce que recouvre le concept d'interaction pédagogique, d'autre part situer l'enjeu de cette notion d'organisateur dans l'évolution des recherches dans ce domaine. Pour M. Altet (1994), « Le concept d'interaction pédagogique recouvre l'action et les échanges réciproques entre enseignant et élèves, action mutuelle, stratégies en réciprocité se déroulant en classe. » Dans les années soixante, les premiers modèles américains d'analyse de la communication en classe tentent de rendre compte de « ce qui se passe en classe» (Crahay, 1989), de la manière dont « interagissent enseignant et élèves » (1), en restituant par des grilles d'observations extrêmement précises (2) « le climat » de la classe. L'idée centrale est de considérer que l'enseignant, par son comportement, en est la ressource essentielle. Ces grilles caractérisent de manière unidirectionnelle la communication entre l'enseignant et les élèves, qu'elles réduisent ainsi à un ensemble de comportements observables, quantifiables et mesurables ; le paradigme de recherche sous-jacent à cette conception est le behaviorisme, dont la doctrine soutient un modèle déterministe du comportement, toujours pensé, lui, dans les termes d'un rapport de type stimuli-réponses. Avec ce type d'approche, caractéristique des recherches de type « processus-produit », on comprend que les manifestations verbales des élèves ne sont considérées qu'en tant que réponses, réactions aux stimuli représentés par les comportements verbaux des enseignants. 34 La notion d'organisateur dans une perspective interactionniste RECHERCHE et FORMATION • N°56-2007 1-M. Altet, ibid., p. 123-139. 2-La grille de Flanders est la plus connue (1966).