Cet article présente l’hypothèse selon laquelle c’est le rapport au travail, et non le travail lui-même, qui est potentiellement subversif, voire émancipateur pour les femmes. Il montre tout d’abord la congruence théorique de cette hypothèse avec l’épistémologie féministe. Puis, pour la tester empiriquement, les autrices examinent le rapport paradoxal que nombre de femmes entretiennent avec le travail salarié et montrent que, pour comprendre ce paradoxe, il faut revenir à une définition féministe du travail et en particulier à la remise en cause de la séparation entre travail professionnel et travail domestique. Finalement, les autrices tentent de donner des éléments permettant de penser la transformation de ce potentiel subversif en des pratiques collectives émancipatoires. Et elles insistent sur la nécessité pour le mouvement féministe de replacer le travail domestique au centre de sa réflexion sur le travail et l’émancipation des femmes.
RésuméL’analyse proposée ici défend la nécessité d’opérer un déplacement vis-à-vis des termes qui semblent dominer pour l’heure la réflexion sur les nouvelles formes d’esclavage ou de servitude pour y intégrer pleinement les rapports sociaux de sexe en tant que rapports sociaux de production et d’exploitation. Dans cette perspective, à partir de deux études sur le terrain réalisées auprès des travailleuses domestiques et des travailleurs agricoles soumis aux programmes canadiens d’immigration, il s’agit de chercher à voir comment les rapports de travail qui sont rassemblés sous les concepts « d’esclavage moderne » et de « travail non libre » produisent non seulement une classe de travailleurs exclue du salariat canonique, mais aussi et simultanément une main-d’œuvre racisée, intrinsèquement sexuée : des « non-ressortissants » qui sont aussi des hommes et des femmes dont les corps sont différemment mis au travail, exploités et marqués.
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