L’objectif de notre article est de montrer comment l’analyse de l’activité des préposés aux bénéficiaires travaillant en centre d’hébergement au Québec permet de comprendre le processus produisant le décalage entre leur amour du métier et leur dégoût de la tâche. L’apport théorique de la psychologie de la sociologie du travail est fécond pour comprendre l’écart entre leur idéal professionnel (le prendre soin) et le travail prescrit conditionné largement par la lourde charge de travail. Nous démontrons que les préposés tentent de développer et appliquer collectivement, en situation de travail, des stratégies pour réduire cet écart, signe de leur capacité d’autonomie et d’inventivité collective. La reconnaissance de l’existence de ces stratégies et autonomie par les organisations de santé permettrait de faire éclore un débat politique sur les compétences réelles développées par ces préposés, en évitant le seul discours naturalisant ou individualisant largement répandu.
À partir d’une étude qualitative comparée en France et au Québec, nous montrons dans cet article que la phase d’intégration des nouvelles recrues aides-soignantes dans les organisations gériatriques françaises et québécoises est une phase complexe d’expérimentation du métier, où elles intègrent des normes collectives de rythmes de travail. Le collectif de travail, par la voix d’une « ancienne », juge de la capacité des nouvelles recrues à respecter ces rythmes et transmet des stratégies de régulation créées localement et indispensables pour répondre aux prescriptions contradictoires. La situation actuelle d’intensification du travail vécue dans les organisations gériatriques françaises et québécoises conduit néanmoins à une fragilisation dangereuse des collectifs, voire à une individualisation du rapport aux enjeux organisationnels. Une telle individualisation peut conduire les nouvelles recrues à subir une souffrance éthique consécutive au fait d’accomplir des actes moralement condamnables pour parvenir à respecter les normes temporelles.
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