Un problème national, interallié ou international ? La difficile gestion transnationale du problème des mutilés de guerre (1917-1923) Gildas Brégain, post-doctorant IRIS/EHESS Résumé : Entre 1917 et 1923, l'échelle de résolution du problème des mutilés de guerre (nationale, interalliée, internationale) a constitué un vif sujet de débat entre médecins, dirigeants des associations de mutilés et représentants gouvernementaux et patronaux. Cet article traite de la manière dont les organisations interalliées et internationales (Comité permanent interallié pour l'étude des questions intéressant les mutilés de la guerre, BIT, Croix-Rouge) se sont saisies du problème, ont défini leurs missions et réparti leurs responsabilités. Il repose sur les archives du BIT et de la Société des Nations, ainsi que sur certaines revues associatives. During a short period (1917-1923), the scale of resolution of the disabled ex-servicemen's problem (national, interallied, international) constitutes a subject of sharp debate between the doctors, the leaders of associations for disabled war veterans and the government's and employers' representatives. This article explains this debate at the scale of resolution of the disabled exservicemen's problem and analyses the way that the interallied and international organizations (interallied Standing Committee for the study of the questions concerning the disabled ex-servicemen, ILO, Red Cross) deal with the disabled ex-servicemen's problem, define their tasks and share their responsibilities. We use the archives of the ILO and the League of Nations, as well as some associative reviews. Mots-clés : handicap, mutilés, Première guerre mondiale, problème public Disability, First world war, public problem À l'échelle internationale, six à sept millions d'hommes se retrouvent mutilés suite à la guerre. Ils ont en majorité entre vingt et quarante ans. Cinq pays (Allemagne, France, Italie, Russie, Grande-Bretagne) doivent prendre en charge plus de 800 000 mutilés chacun, tandis que d'autres (Autriche, États-Unis, Pologne, Tchécoslovaquie, Royaume des Serbes, Croates, Slovènes) en ont à gérer 100 000 à 350 000. Dans tous ces pays, les mutilés de guerre se regroupent au sein d'associations aux positionnements politiques souvent antagonistes (apolitisme, communisme, catholicisme social, etc.) ; par leur grand nombre d'adhérents et le fait de représenter des victimes de la guerre, elles constituent des acteurs puissants et incontournables pour la puissance publique 1. En général, ces associations ne se rebellent pas contre les normes sociales en vigueur et mettent un point d'honneur à valoriser le sacrifice des soldats et leurs membres mutilés 2. Pour résoudre le problème de leur avenir professionnel, celles de plusieurs pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne, Autriche, France, Italie) réclament que tous les employeurs publics et privés