L'enseignement supérieur est un espace où se multiplient écrits et écritures. Cette multiplicité n'est pas qu'abondance, elle est aussi hétérogénéité, diversité, singularité. En effet, ces écritures ont des fonctions diverses : elles ne sont pas uniquement des lieux d'évaluation (il existe des écrits autres que ceux d'examen) pas plus qu'elles ne se cantonnent à des transcriptions (les étudiants écrivent d'autres choses que des notes de cours). Leurs contextes le sont tout autant : quels leviers pédagogiques ou didactiques les suscitent, quelles aides les accompagnent ? S'ils n'ont pas la même durée de vie, ni la même temporalité d'écriture, si les contraintes et les normes qui les régissent les différencient, ces écrits se distinguent également selon leurs destinataires (construits ou non, fictifs, attendus, effectifs), mais aussi selon le statut de leurs auteurs : certes enseignants et étudiants écrivent, mais qu'est-ce qu'être étudiant lorsque l'on écrit ? S'agit-il d'être un futur professionnel ou d'être un disciple s'abreuvant éternellement de savoir ? La question se décline également pour les enseignants : sont-ils plutôt des professeurs ou plutôt des chercheurs ? Enfin, de façon presque évidente, ces écritures se différencient selon leurs contenus, et leurs références (s'agit-il d'écrire plutôt à partir de son expérience, de ses lectures, de ses connaissances ?). Nous arrêtons là ce qui devient énumération pour poser simplement que cette multiplicité est à interroger et à comprendre, ce que ce numéro permet de faire, en partie.
L’analyse d’entretiens sur la conception de l’écriture et les relations aux savoirs d’étudiants avancés a mis en évidence qu’ils définissent majoritairement l’écriture comme un phénomène de transcription de la pensée. Pour eux, elle est caractérisée par des opérations d’assemblage des mots ou des idées, de construction d’un plan, par des mouvements d’expansion ou de réduction. Ce modèle empirique trouve son idéal dans l’écriture littéraire, conçue comme harmonie entre pensée et écriture, liée à l’inspiration et manifestée par le style. Pour les étudiants, l’écriture théorique est assimilée à l’écriture littéraire, ce qui la rend pratiquement inaccessible. Une conception de l’écriture comme construction de la pensée est très minoritaire. De même, les opérations de réécriture sont peu souvent évoquées spontanément. Les problèmes de mise en scène du sujet écrivant (je/ vous/ on) sont soumis à des normes senties comme arbitraires. Enfin, écrire, pour ces étudiants avancés, c’est prohiber l’expression du doute, dans une recherche de l’objectivité et de la neutralité. Cette recherche souligne (et interroge) les relations entre les modes d’enseignement du supérieur et du secondaire dans la construction d’images des textes théoriques, de l’écriture épistémique et de soi comme scripteur apprenti.
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