Un aspect méconnu de l'histoire de l'Amérique : la domestication des animaux Jean-Pierre Digard, Un Aspect méconnu de l'histoire de l'Amérique : la domestication des animaux.-Le continent américain se signale par l'association originale de trois types d'actions domesticatoires : 1) à l'époque précolombienne : « premières domestications » d'espèces indigènes peu nombreuses (alpaca, lama, cobaye, dindon et canard à caroncule), selon un processus néolithique bien connu de « chasse sélective » (surtout, ici, pour les camélidés) ; 2) à toutes les époques : apprivoisements nombreux, presque systématiques dans certaines sociétés amérindiennes, d'animaux sauvages isolés, apprivoisements qui ont pu, tantôt favoriser (chien), tantôt empêcher (bison, caribou) les domestications « vraies » ; 3) à partir du xvie siècle : re-domestications locales d'animaux qui, après avoir été introduits par les Européens (pintade, boeuf, cheval), étaient retournées, parfois massivement, à la vie sauvage (animaux « marrons ») à la faveur des désordres qui accompagnèrent la Conquête. Ces processus domesticatoires correspondent à autant de strates socio-culturelles et forment la base du (des ?) système(s) domesticatoire(s) américain(s). Le continent américain est encore considéré, par certains spécialistes de la domestication animale, qui le comparent au Moyen-Orient, comme un « foyer de domestication » de second ordre. Cette mauvaise réputation ne me paraît nullement méritée ; elle procède en tout cas d'une conception étriquée et, pour tout dire, stérilisante de la notion de domestication. A cet égard aussi, l' Amérique aurait donc bien besoin d'être redécouverte. On se contentera, dans cet article, d'indiquer quelques-unes des voies d'accès à cet immense champ de recherche, en laissant aux américanistes le soin de poursuivre l'exploration et, le cas échéant, de conclure. Les premières domestications L'acception la plus courante du mot domestication est celle de première domestication, que lui donnent les préhistoriens. Si l'on s'en tient à celle-ci, on peut en effet penser que l'apport de l'Amérique en ce domaine est resté L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 253-270.
Quand ils s'efforcent seulement de « comprendre le haut » sans « étudier le bas », comment pourraient-ils bien comprendre correctement le haut ? Cheng Ming-dao (xie siècle)1 En guise d'introduction : avertissement au lecteur Le texte qu'on va lire s'adresse en priorité aux anthropologues français, et plus particulièrement à ceux d'entre eux qui pratiquent l'étude des techniques ou s'y intéressent. Cette destination, peut-être trop exclusive, ne trahit de ma part ni préférence irraisonnée pour cette partie du champ des recherches anthropologiques (la suite de mon exposé sera, je pense, suffisamment convaincante sur ce point), ni attachement partisan à je ne sais quelle chapelle théorique nationale (je connais et j'admire l'oeuvre, par exemple, d'un Forbes, d'un Needham, pour ne citer qu'eux) ; elle traduit simplement ma perplexité devant ce qui m'est longtemps apparu comme un paradoxe : alors que c'est en France que la technologie en anthropologie a connu l'essor le plus vigoureux, grâce notamment aux travaux de A. Leroi-Gourhan, c'est en France également que cette même technologie se voit aujourd'hui contestée avec le plus de sévérité [cf. F. Pouillon 1976). Mais qu'on ne s'y trompe pas : s'il reste, pour l'instant, en grande partie français, le débat « pour » ou « contre » la technologie en anthropologie ne saurait se réduire * Cet article et celui qui suit, tous deux consacrés à la technologie en anthropologie, ont pour origine deux exposés présentés le 12 avril 1975 lors d'une séance de travail du Groupe de Technologie comparée, animé par Hélène Balfet au musée de l'Homme. Les auteurs adressent leurs vifs remerciements aux membres du groupe, et notamment à Lucien Bernot, Claudine Karlin, André Leroi-Gourhan, Christian Pelras, pour la contribution qu'ils ont apportée, sous forme de commentaires écrits ou oraux, à la rédaction finale de ces deux textes. 1.
scite is a Brooklyn-based organization that helps researchers better discover and understand research articles through Smart Citations–citations that display the context of the citation and describe whether the article provides supporting or contrasting evidence. scite is used by students and researchers from around the world and is funded in part by the National Science Foundation and the National Institute on Drug Abuse of the National Institutes of Health.
customersupport@researchsolutions.com
10624 S. Eastern Ave., Ste. A-614
Henderson, NV 89052, USA
This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.
Copyright © 2025 scite LLC. All rights reserved.
Made with 💙 for researchers
Part of the Research Solutions Family.