Cet article présente une circulation de soins complexe. Une enfant est soignée pour une hydrocéphalie dans une grotte où des entités surnaturelles sont supposées prodiguer des soins, dans la campagne environnante de la capitale de la région Betsileo, dans les Hautes Terres centrales de Madagascar. L’enfant et ses parents résident gratuitement dans le hameau du responsable de la grotte, entourés d’autres malades en cours de traitement. Les thérapeutes consultés et les causalités des maux sont déterminés par la famille. Ce cheminement thérapeutique révèle des transformations des modèles culturels, thérapeutiques et religieux. Cette étude de cas fournit un éclairage sur les difficultés d’accès aux soins pédiatriques, mais aussi plus généralement biomédicaux dans les zones rurales malgaches et, par répercussion, sur les possibilités des devins-guérisseurs à forger leur réputation (à la fois magico-religieuse et médicale).
Le prophète et la souveraine. Utilisation des récits biographiques de figures historiques par les guérisseurs betsileo (Madagascar) Olivia Legrip-Randriambelo LARHRA, université Lyon-II À Madagascar, une fois le nom d'un ancêtre oublié par ses descendants, il quitte l'ancestralité généalogique pour rejoindre l'ancestralité symbolique commune à tous. Cependant, certains individus restent dans la mémoire collective. Les figures historiques de la région betsileo, dans les Hautes Terres centrales de Madagascar, renvoient à des religiosités et à des périodes historiques diverses, tout comme le sont les guérisseurs qui les mobilisent. Je prendrai deux exemples : celui de la reine et guérisseuse Rabolobolo qui aurait régné sur le Betsileo au xix e siècle, et celui de Rainisoalambo, devin-guérisseur repenti du culte aux ancêtres et fondateur du mouvement de Réveil protestant (fifohazana) en 1894 dans un village betsileo. Comment les figures de Rabolobolo et Rainisoalambo se défont-elles du modèle classique de l'ancestralité malgache, voulant que les défunts intègrent une sorte d'anonymat après plusieurs générations, et comment accèdent-elles à une position « inoubliable » ? Ce texte propose une analyse de ces deux figures « populaires » et historiques dont les récits de vie extraordinaires renvoient à deux mouvements religieux (le culte aux ancêtres et le fifohazana, mouvement de Réveil protestant betsileo). Ces mouvements religieux et leurs principales figures locales apparaissent dans deux types de récits biographiques : ceux des devinsguérisseurs possédés par l'esprit de la reine et ceux des exorcistes, disciples de Rainisoalambo. Dans un premier temps seront présentés les deux personnages centraux dans les rites religio-thérapeutiques betsileo, puis il sera question de leur intégration dans les modèles stéréotypés de l'apparition du don de guérison chez
This article is concerned with the training and curing practices of Betsileo ombiasa ('healers-diviners'), and their relationships with biomedical practitioners and Christian healers, in particular Fifohazana exorcists. We first give an account of what we think is characteristic in the process of becoming an ombiasa, highlighting in particular the role of ancestors and other spiritual entities. We then give a brief description of the ombiasa's healing practices and the kind of remuneration they usually ask for. In the last part of the article we discuss their collaboration and conflicts with other health practitioners, showing how ombiasa are constantly adapting their practice to avoid open confrontations with their competitors, accommodate their patients' expectations and continue to carve out a niche for themselves within Betsileo medical pluralism.
Io, misy tromba be ! » 1 , « Là, il y a une grande possédée ! » : c'est en ces termes que Marcelline, guérisseuse possédée, désigne sa consoeur. Ce texte aborde les pratiques rituelles de Marcelline, une guérisseuse betsileo, et ses façons de mobiliser les esprits avec lesquels elle entreprend des guérisons. Marcelline reçoit quotidiennement des malades chez elle où le coin nord-est de la pièce est réservé à un autel domestique dédié aux ancêtres, mais fréquente également un tatao, un lieu de culte extérieur public et commun à plusieurs devins-guérisseurs, fait d'un monticule de pierres plates. L'intérêt que présente l'analyse des séances rituelles de Marcelline réside dans les choix de temps et de lieu de ses rencontres avec les esprits, qu'elle optimise. En effet, la guérisseuse opère un choix stratégique entre les deux modalités de communication avec les entités, qu'elle a acquises au moment de l'obtention de son don. Nous détaillerons, dans un premier temps, les rites de soin à domicile qui voient la présence d'entités diverses apparaissant dans un miroir. À l'inverse, les rites organisés au tatao sont réservés à une clientèle sélective en qui la guérisseuse a une grande confiance ou encore aux obligations rituelles imposées par l'esprit de la grand-tante de Marcelline. Cette illustre aïeule est la reine Rabolobolo, qui aurait régné sur le Betsileo, au sud des Hautes Terres centrales, au début du XIX e siècle. Reine et guérisseuse puissante socialement et politiquement, Rabolobolo est un atout pour la réputation de soignante de Marcelline. Cependant, l'esprit ancestral et royal lui apparaît par la transe de possession. Si cette pratique communicationnelle est courante en région sakalava ou encore en Imerina, pour les Betsileo, elle est connue par le discours, mais n'est que rarement observée. Dans un second temps, nous nous attarderons sur un évènement précis de la vie de Marcelline : sa propre maladie. Nous verrons quel choix thérapeutique a fait la guérisseuse entre une visite à un devin-guérisseur betsileo, régionalement « racontable », et un rituel tromba 2 auprès d'une jeune possédée, elle aussi betsileo, par conséquent, un Une reine estimée bien malvenue
Le boire en anthropologie : enquête de sens « L'étude des boissons fermentées mène tout droit dans la religion » (Mauss 1926 : 43) Ce dossier thématique s'inscrit à la suite des numéros des revues Terrain (1989) et Socio-anthropologie (2004) consacrés au « boire ». Sans exclusive régionale, les articles rassemblés ici questionnent le cadre social des pratiques alcoolisées et de l'ivresse mais aussi de l'approche méthodologique de l'ethnographe sur son terrain face à l'invitation au boire. Il s'agit ainsi de traiter des boissons et du boire dans leurs fonctions symboliques, rituelles et collectives observées par divers chercheurs en sciences humaines et sociales ayant une expérience de terrain et mobilisant les outils méthodologiques de l'ethnographie. L'alcool est envisagé comme une sociabilité qui se détache du champ de la pathologie (Douglas 1987 ; Fabre-Vassas 1989 ; Fainzang 1995 ; Pourchez 2002). Les médecines humorales accordaient une place de choix, mais une place tout aussi paradoxale au vin rouge : à la fois boisson et aliment, à la fois mets et médicament. Galien le voyait comme un pharmakon 1 , tant remède que poison. Suivant cet oxymoron, les boissons enivrantes peuvent être perçues, en contexte religieux, comme des « toxiques rituels » (Obadia 2004). S'installe ici une ambiguïté dans leurs représentations entre d'un côté des « poisons sacrés », et de l'autre, un accès aux « ivresses divines » (De Felice 1936). Pour Isabelle Bianquis, cette ambiguïté est comme un pont qui lie plusieurs mondes ; aussi envisage-t-elle l'alcool comme un objet-frontière marquant des séparations, notamment entre les genres, les mondes (humain, divin), les corps (santé, maladie), etc. En somme, l'alcool est à penser comme un agent qui opère la liaison entre ces diff érentes catégories, un sas qui permet le passage entre l'une et l'autre (2012). Le boire est à la fois moteur de puissance sociale et cause de la perte de contrôle où l'ivresse devient déshumanisante. L'apport de l'anthropologie, à l'instar des alcohol 1 Cf. sur ce point le récent colloque organisé en octobre 2017 au Musée des confl uences de Lyon par le Laboratoire d'anthropologie des enjeux contemporains (FRE 2002, CNRS-Lyon 2-ENS Lyon) sur le thème : « Pharmakon. Mondes empoisonnés, approches anthropologiques ».
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