Guerres, textes, mémoire Volume 34, numéro 1, printemps 1998 URI : id.erudit.org/iderudit/036092ar
I L'actuelle résurgence des études paralittéraires doit compter avec un lourd héritage, inscrit dans ce qualificatif malcommode. Mot malcommode en ce que son évidente étymologie sert souvent de prétexte à négliger la description de ce qu'il désigne. Mot malcommode aussi en ce qu'il reconduit ce face-à-face Belles-lettres / littérature populaire dont les termes ont déjà largement été dictés par l'institution littéraire et la culture lettrée. Mot malcommode enfin en ce qu'il tente de subsumer des genres aussi différents que le roman d'amour et la SF, l'heroic fantasy et le technothriller, les livres dont vous êtes le héros et les collections « chaînes et cuir » ; des auteurs aussi disparates que Gaston Leroux et John Le Carré, Max du Veuzit et Georges-Jean Arnaud, Gustave Aimard et Daniel Pennac ; des héros aussi dissemblables que Maigret et Buffalo Bill, SAS et Miss Marple, Dracula et Orietta... C'est pourquoi l'on peut être reconnaissant à Daniel Couégnas l d'avoir tenté de poser dans toute sa généralité la question de la définition formelle du « récit paralittéraire ». Dans son Introduction à la paralittérature, s'il oppose à une conception substantialiste de l'opposition littérature / paralittérature l'idée de deux modes de lecture, modes indépendants de l'objet lu et tendanciellement tirés vers l'un de deux pôles, la lecture lettrée et la lecture non-lettrée, il s'attache surtout à construire un modèle paralittéraire, optimalement réalisé par la présence simultanée de six critères : un péritexte éditorial imposant un véritable contrat de lecture, la reprise des mêmes procédés sans mise à distance ironique ou parodique, une forte propension à l'illusion référentielle (et au gommage de la perception de la médiation langagière), une lecture comme « reconnaissance » du sens, la domination du narratif et du code herméneutique, des personnages favorisant l'identification du lecteur. L'ensemble des récits romanesques subirait la polarisation entre ce modèle et celui de la littérarité, les oeuvres empiriques ne réalisant que tendanciellement les potentialités de l'un ou l'autre des modèles opposés. Toutefois, l'argumentation de Couégnas ne prend nulle part la précaution d'historiciser son propos, de rappeler que le modèle est largement redevable à son corpus de référence (la seule portion de la collection du « Livre populaire » publiée entre 1905 et 1913, les cent premiers « 65-centimes » de Fayard). D'autre part, se replaçant dans un
Si la linguistique, en tant que discipline scientifique, évacue la vieille tentation de l’anomalisme, elle doit parfois, comme dans le cas de l’étude de la morphologie des temps, reconstruire une régularité parodoxale, une régularité remettant en cause 1’ ‘évidence.’ C’est bien le geste qu’effectue E. Benveniste dans un article justement célèbre, “Les relations de temps dans le verbe français” (1966). La régularité ‘évidente’ était la symétrie des formes simples et des formes composées, qui dans tout manuel scolaire se présentent comme suit:
La recherche dont ce texte est issu a été rendue possible par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle a abouti dans un essai, La Cristallisation de l'ombre (2011) et plusieurs articles. Merci aux passionnés du forum « À propos de littérature populaire » http://litteraturepopulaire.winnerbb.net/ pour les nombreuses informations glanées dans leurs échanges ainsi qu'à Bérengère Vachonfrance-Levet et Désiré Nyela pour leurs commentaires. Le Z d'amnésie […] Z est la lettre de la mutilation : phonétiquement, Z est cinglant à la façon d'un fouet châtieur, d'un insecte érinnyque ; graphiquement, jeté par la main, en écharpe, à travers la blancheur égale de la page, parmi les rondeurs de l'alphabet, comme un tranchant oblique et illégal, il coupe, il barre, il zèbre […] (p. 103-104) 1 1 Roland Barthes (1970) nous avait clairement et éloquemment prévenus contre les maléfices de cette lettre. L'avertissement devrait d'ailleurs valoir a fortiori pour Sazie mieux adapté à cela qu'un Sarrasine ou qu'un Balzac puisque l'orthographe même de son nom conjoint au Z inverseur la lettre inversée, sa majuscule initiale… Contrairement à l'effeuillage d'un texte classique lexie par lexie faisant apparaître le rôle structurant de quelque castration cachée, face à Zigomar et Sazie, c'est plutôt, sous la cruelle lumière médiatique, l'oubli dans lequel ils ont été relégués qui aveugle. Oh, pas complet, sans doute : de tardives entrées pour l'auteur et sa créature dans le Dictionnaire des littérature policières (2003), le Dictionnaire du roman policier 1841-2005 (2005), le Dictionnaire du roman populaire francophone (2007), les deux dernières évoquant le substantiel article de Dominique Kalifa paru en 2005, « Zigomar, grand roman sériel S/Z (Les impressions du Zigomar de Léon Sazie) Belphégor, 11-1 | 2013 10 Il faut dire que le nom commun lui-même manque décidément de dignité, fût-ce pour désigner un sanguinaire scélérat. Attesté avant ce dernier, zigomar dériverait de zig (« homme, zigoto », individu épateur : « faire son zigoto », dès 1902) agrémenté du suffixe argotique-mar usuel dès 1800 (guichmar = guichetier ; boss'mar = bossu ; offic'mar = officier) selon Gaston Esnault (1919). Pire encore : le lexicographe ne se contentant pas de la facile paternité du terrible Zigomar de Sazie révise l'étymologie, non sans quelque insolence pour le criminel, Zigomar le zigouillard : Le nom de ce meurtrier, quoiqu'il ne fût pas sabreur, at -il suffi pour faire baptiser le sabre de cavalerie ? On peut supposer un syllogisme plus précis. Majeure :
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