Daniel Gricourt, Dominique Hollard, Lugus, dieu aux liens : à propos d'une pendeloque du Ve s. av. J.-C. trouvée à Vasseny (Aisne), DHA 31/1, 2005, p. 51-78. Résumé : Un remarquable pendentif en bronze récemment découvert dans une tombe féminine, au sein d'une nécropole à inhumation gauloise, représente un personnage stylisé qu'on peut identifier à Lugus. Le dieu est reconnaissable à la lyre que dessinent ses jambes ainsi qu'à sa tête en forme d'anneau (aspect héliaque). Le fait que ses bras soient réunis par une chaînette engage à réunir toutes les données, éparses et variées, qui montrent sa profonde affinité avec les chaînes, cordes et liens, que ces attaches soient physiques, métaphoriques ou magiques. Sont ainsi envisagés en particulier : - un passage éloquent tiré du récit irlandais de la Seconde Bataille de Mng-Tured (Lugh, « lié » par le sommeil que provoque le son d'une harpe, est enchaîné), - un détail iconographique significatif dans un tel contexte de la statue monumentale de l'Apollon gallo-romain d'Entrains-sur-Nohain (figuration de deux captifs entravés), - le dossier maintenant bien connu de Lugus comme patron des cordonniers, - celui de sa maîtrise des instruments à cordes et de la poésie lyrique, - sa fonction de garant des contrats et des serments, - sa capacité occulte à paralyser et « lier » ses adversaires (Seconde Bataille de Mag-Tured), - la pratique d'un rituel antique consistant à nouer des branches végétales sur un parcours rythmé par le nombre sept et par le passage du soleil au méridien. Le contexte funéraire dans lequel apparaît la pendeloque de Vasseny concorde avec la fonction psychopompe de la divinité dioscurique qu'est Lugus/Lleu/Lugh. Il est intéressant à cet égard d'observer que l'apogée de la grande fête celtique donnée en son honneur et désignée sous le nom de Lugnasad en Irlande se situe le 1er août. Or cette date correspond justement, dans le calendrier chrétien, à la célébration de la Saint-Pierre-aux-Liens. Le culte rendu au Prince des Apôtres, gardien des portes du ciel et de la terre, dans son aptitude à dissoudre les liens qui unissent le corps et l'âme vise en la circonstance à se substituer à celui du grand dieu celte. Car, vraisemblable « délieur » des âmes des défunts de l'année, Lugus est celui qui les guide dans leur montée vers la Voie Lactée, le chemin qui mène à l'Autre Monde.