La corruption fait l’objet de beaucoup d’attention des media en France comme à l’international. Pourtant, peu d’études académiques ont été menées sur le sujet. Mettant de côté les pratiques hypocrites, nous nous intéressons aux pratiques d’ambiguïté stratégique, en particulier celles des clients professionnels en France. De même, nous portons notre attention aux réponses – rarement étudiées jusqu’ici – des salariés face à ces stratégies d’ambiguïté ouvrant potentiellement sur des situations de corruption. A partir des résultats d’une étude longitudinale récente consacrée à la mafia italienne, l’objet de cet article est double : il s’agit (1) d’examiner théoriquement les stratégies d’ambiguïté de certaines organisations, puis (2) de considérer les réponses des salariés face à ces stratégies lors de relations commerciales avec des entreprises. Ce faisant, nous détaillons et illustrons les différentes formes que peut prendre cette ambiguïté stratégique, à savoir l’opacité qui empêche toute compréhension aisée, l’équivocité qui joue de la diversité des discours rationnalisants et l’absurdité qui favorise les raisonnements paradoxaux. Au cours de notre réflexion, nous abordons également la question du silence organisationnel, tout en en soulignant les implications et les limites pour les individus concernés. Nous basons notre travail sur une recherche-intervention conduite en 2020 dans le secteur bancaire auprès de 423 personnes, essentiellement des cadres et des dirigeants, intervention qui a donné lieu à près d’une centaine d’heures d’entretiens et à 31 entretiens de groupe.