L’entreprise libérée, une cité en quête d’un principe supérieur commun

Abstract

Le phénomène émergent de “l’entreprise libérée” semble séduire de plus en plus de dirigeants. Ces nouveaux modèles d’organisation interrogent notamment les formes de pouvoir traditionnelles et la place du management au sein des entreprises. Nombreuses sont aujourd’hui les expérimentations de transformation managériale en ce sens à travers le monde (Getz et Carney, 2009), pourtant encore trop peu d’analyses théoriques permettent de saisir cet objet polysémique aux frontières mal définies. Cet article se propose justement de préciser les contours théoriques de l’entreprise libérée en mobilisant la sociologie des conventions (Boltanski et Thévenot, 1987, 1991). Pour ce faire, nous confrontons l’analyse d’un cas concret de transformation vers la libération - l’entreprise P - avec la proposition théorique des cités développée par ces auteurs. Plus précisément nous étudions dans quelle mesure l’entreprise libérée tend à se rapprocher ou, à l’inverse, à se distancier de certaines cités plutôt que d’autres. Les résultats de cette première étude exploratoire montrent qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle ontologie organisationnelle à part entière mais davantage d’un enchevêtrement entre les mondes « industriel » et « par projet » dans le cas de l’entreprise P.

L’entreprise libérée, un vrai concept ou une simple étiquette ?

“…Elle reste toutefois « une définition extrêmement large et au final plutôt sommaire » (Chabanet et al, 2017, p.57 ; et source de confusions (Gilbert et al, 2017b ;Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2015). Fox et Pichault (2017, p. 89) (Antoine et al, 2017 ;Autissier et al, 2016 ;Carney et Getz, 2009 ;Dalmas et Lima, 2017 ;Foss, 2003 ;Getz, , 2012Peters, 1992 ;Verona et Ravasi, 2003) ; d'autres à une « structure managériale », un « modèle de management », un « système managérial » (Bernstein et al, 2016 ;Gilbert et al, 2014 ;Gilbert et al, 2017aGilbert et al, , 2018Hamel, 2011 ;Hamel et Breen, 2007) ; à l'idéologie/ la philosophie (Antoine et al, 2017 ;Arnaud et al, 2016 ;Casalegno, 2017 ;Chêne et Goff, 2017 ;d'Iribarne, 2017 ;Fox et Pichault, 2017 ;Getz, 2016aGetz, , 2016bGilbert et al, 2017b ;Landivar et Trouvé, 2017 ;Marmorat et Nivet, 2017 ;Rousseau et Ruffier, 2017) ; aux pratiques (Picard, 2015 ;Warrick et al, 2016) ; enfin un certain nombre s'attache davantage à une conception empirique (Brière, 2017 ;Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2015 ;Laloux, 2015 ;Picard et Lanuza, 2016). Toutefois la majorité des recherches s'accordent, comme nous l'avons vu, sur 14 attributs qui ne sont pas mutuellement contradictoires puisqu'au regard de la littérature, ils s'organisent de manière cohérente autour de deux dimensions essentielles (cf.…”

“…(Total : 79 occurrences) D 'Iribarne, 2017 ;Jack, 2018 ;Laloux, 2015 ;Landivar et Trouvé, 2017 ;Marmorat et Nivet, 2017 ;Verona et Ravasi, 2003 Décentralisation horizontale (5) Gilbert et al, 2017a ;Ramboarison-Lalao et Gannouni, 2018 ;Robertson, 2006 ;Voegele, 1993 Equipes autonomes autoorganisées (6) Autissier et al, 2016 ;Bernstein et al, 2016 ;DeFillippi et Lehrer, 2011 ;Gilbert et al, 2014 ;Lam, 2005 ;Lefebvre et Shiba, 2005 Ajustement mutuel (4) Circulation de l'information, des connaissances (6) DeFillippi et Lehrer, 2011 ;Foss, 2003 ;Ramboarison-Lalao et Gannouni, 2018 ;Ravasi et Verona, 2001 ;Robertson, 2006 ;Voegele, 1993 Absence de postes précis, rôles pluriels et changeants (7) Bernstein et al, 2016 ;Dalmas et Lima, 2017 ;DeFillippi et Lehrer, 2011 ;Foss, 2003 ;Lam, 2005 ;Lee et Edmondson, 2017 ;Robertson, 2006 Centralité de la liberté (9) Arnaud et al, 2016 ;Autissier et al, 2016 ;Brière, 2017 ;Fox et Pichault, 2017 ;Getz, 2016aGetz, , 2016bGilbert et al, 2017a ;Holtz, 2017 ;Rousseau et Ruffier, 2017 Philosophie humaniste...…”

“…Celle-ci présente quatre caractéristiques fondamentales : son caractère non technologique et multidimensionnel (un ensemble de pratiques managériales, de processus, structures ou techniques), nouveau et intentionnel (destiné à améliorer les performances de l'entreprise) (Birkinshaw et al, 2008 ;Mol et Birkinshaw, 2009 ;Vaccaro et al, 2012a ;2012b). Cette conception est enrichie par Mamman (2009) qui définit l'innovation managériale à travers trois ensembles d'attributs, dont la philosophie qui est au fondement des deux autres (principes et pratiques), et largement mise en relief dans les travaux sur l'EL (Antoine et al, 2017 ;Arnaud et al, 2016 ;Casalegno, 2017 ;Chêne et Goff, 2017 ;d'Iribarne, 2017 ;Fox et Pichault, 2017 ;Getz, 2016aGetz, , 2016bGilbert et al, 2017b ;Landivar et Trouvé, 2017 ;Marmorat et Nivet, 2017 ;Rousseau et Ruffier, 2017).…”

“…De plus, la profusion de dénominations associées à l'EL (e.g. « holacracy ») semble traduire une conceptualisation encore peu stabilisée (Casalegno, 2017 ;Marmorat et Nivet, 2017), source de confusions (Jacquinot et Pellissier-Tanon, 2015) et renvoyant à des conceptions empiriques diverses (Rousseau et Ruffier, 2017). Face à ces constats, l'examen de la nature conceptuelle de l'EL s'avère nécessaire pour en dessiner clairement les contours et isoler les artefacts inhérents à cette surexposition (Adam-Ledunois et Damart, 2017).…”