Depuis ces dernières années, les dispositifs de concertation – atelier de travaux urbains, budget participatif, évaluation participative, débat public, conférence de consensus, sondage délibératif, etc. – se sont multipliés en France. D’abord principalement portés et animés par des acteurs au profil militant – ceux des premiers chefs de projet politique de la ville, des travailleurs sociaux, des mouvements d’éducation populaire –, ces dispositifs attirent aujourd’hui des professionnels issus d’autres univers comme ceux de l’architecture, de l’urbanisme, du consulting, du marketing et de la communication. Face à cette ouverture progressive du milieu de la participation, les militants d’origine ont été poussés à reconvertir leurs ressources militantes en véritable savoir-faire professionnel, notamment par la valorisation d’un militantisme d’expertise. Cependant cette reconversion, loin de leur assurer le monopole, semble au contraire avoir accéléré et facilité la captation de ce marché par les nouveaux entrants. Dans un contexte de concurrence accrue, tout se passe comme si la question de « l’authenticité » des origines – et donc du rapport au militantisme – re-surgissait chez les militants et devenait une stratégie de démarcation.
De la « militance » à la « consultance » : les bureaux d'études urbaines, acteurs et reflets de la « procéduralisation » de la participation From "activism" to "consultancy": the urban design professionals and the formalization of participatory policies
À partir d’une lecture croisée des articles rassemblés dans ce dossier, cette introduction interroge l’existence d’un « tournant participatif mondial » en analysant les dynamiques transnationales de circulation verticale (de l’international vers le national ou le local) et horizontale (territoires entre eux, acteurs appartenant aux mêmes espaces institutionnels et sociaux) de l’ingénierie participative. En situant l’analyse de ces dynamiques circulatoires au croisement des travaux de sociologie et d’anthropologie (circulation des formes démocratiques et sociologie fine des acteurs de la circulation), de sociologie des sciences (circulation des innovations) ainsi que ceux de science politique (transnationalisation des politiques publiques), cet article invite d’une part à relativiser la dimension coercitive exercée par les organisations internationales développée par les approches critiques de la « tyrannie » de la participation. D’autre part, à rebours d’une vision trop déterministe qui fait de l’appropriation du discours et des pratiques participatives par les acteurs locaux le signe mécanique de leur adhésion à la rhétorique participative, l’article met en exergue la pluralité des investissements, plus ou moins intéressés, dans la participation. Enfin, la valorisation systématique de « bonnes pratiques » et d’expériences modèles dans les processus circulatoires étudiés conduit à mettre l’accent sur le rôle des réseaux professionnels et les usages stratégiques de l’international dans le cadre de la compétition entre les territoires.
Liste des auteursFabien DESAGE est doctorant en science politique, Université Lille II, membre du Centre de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS).Éric DOIDY est chargé de recherche à l'INRA, membre du Laboratoire de recherche sur les innovations socio-techniques et organisationnelles en agriculture (LISTO/Dijon).Philippe GENESTIER est urbaniste en chef de l'État, directeur du Laboratoire Recherches interdisciplinaires Ville Espace Société de l'École nationale des travaux publics de l'État (RIVES/ENTPE/CNRS).
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